mardi 11 décembre 2012

Manifeste de l'Alliance Laurentienne

Voici le manifeste de l'Alliance Laurentienne, un des premiers mouvement indépendantistes québécois fondé en 1957 par Raymond Barbeau. Il se réclamait d'un patriotisme social, tout comme le Cercle Solidaire Québécois aujourd'hui. L'Alliance Laurentienne est donc une source d'inspiration pour nous et nous devons revendiquer haut et fort son héritage en poursuivant son combat inachevé pour la libération nationale et sociale du peuple québécois.

L'ALLIANCE LAURENTIENNE est un mouvement patriotique qui groupe des Canadiens français de tous les milieux, de tous les âges et de toutes les conditions. Fondé en 1957, il se propose comme but principal de répandre l'idée de l'indépendance de la Province de Québec et de la création de la RÉPUBLIQUE DE LAURENTIE.
Le nationalisme laurentien basé sur l'amour de la nation canadienne-française, de l'État et du peuple québécois est légitime puisqu'il est conforme à l'ordre divin. Cet amour qui n'exclut pas l'amour des autres peuples, même des Anglais et des CANADIANS, est intimement lié à nos origines, à notre milieu, à notre hérédité, à une sorte de déterminisme historique et géographique, et il s'appuie sur la mission catholique et française qui nous a été léguée et que nous devons, à tout prix, perpétuer dans le temps de l'espace.
La Confédération canadienne menace l'unité politique de notre peuple de cinq millions de population, nous conteste nos droits les plus élémentaires, nous usurpe des droits sacrés inscrits dans la constitution, arrête injustement notre expansion économique, offense nos nationaux au mépris du droit des gens, cherche à créer des combinaisons interprovinciales propres à léser notre dignité et nos légitimes influences, et pour sauver notre prestige et notre honneur, nous n'avons pas d'autres choix que de réclamer la souveraineté de l'État du Québec. Au fond du nationalisme laurentien, il y a une aspiration naturelle, pour notre peuple, à se constituer en une nation pleinement indépendante, autonome à l'intérieur et souveraine à l'extérieur.
Toutes les fois qu'une nation est menacée, des hommes se lèvent pour réclamer justice. Actuellement, regardons ce qui arrive dans les états arabes. Le panarabisme secoue une partie du monde; dans l'autre partie, c'est le panslavisme qui devient particulièrement menaçant, ailleurs, c'est la montée des peuples noirs, le réveil du péril jaune qui surgit. Sur notre continent, le sentiment d'AMERICA FIRST est solidement implanté, et plus près de nous encore, le pan-canadianisme préoccupe beaucoup les CANADIANS, en face du colosse américain. Les Canadiens français nationalistes suivent la marche de l'histoire. La sécession du Québec de la Confédération est donc la seule solution devant les menaces accumulées de la centralisation et de l'assimilation anglo-saxonnes. Que notre peuple en vienne à croître normalement, à se garder des pénétrations et annexions étrangères, qu'il conquière enfin son indépendance, selon le principe de l'autodétermination, et alors le nationalisme laurentien aura atteint son objectif.
L'idéal de notre peuple et sa vie ne demandent pas que nous nous enfermions en vase clos dans nos frontières, que nous ignorions les autres peuples et que nous nous fassions ignorer d'eux, et encore moins que nous les haïssions. Dans toute race, par-dessus les caractères propres, il y a l'humanité et ce n'est pas la desservir que de vouloir devenir adultes et libres. On prétend que la lutte des classes est un fait nécessaire et universel. Au contraire, c'est la lutte entre clans, tribus, nations et empires qui engendre les haines, les misères, les guerres et le despotisme. L'harmonie et la paix reviendront dans le monde lorsque chaque nation sera libre : « LIBERTÉ POUR LES PERSONNES, LIBERTÉ POUR LES PEUPLES ! »
Que la nation laurentienne se pose fièrement en face des autres nations, elle prend alors au dedans le visage d'une personnalité forte qui sait ce qu'elle veut, qui le veut bien et qui ramasse en elle les énergies intellectuelles, morales et économiques d'où dépendent sa prospérité et son influence. Notre peuple possède un corps et une âme. Mais il lui manque un cerveau qui est l'ÉTAT LIBRE, et où se réfléchissent toutes les aspirations nationales, et d'où partent les directives qui doivent promouvoir dans tous les sens la vitalité de la nation. Pour réaliser nos ambitions et poursuivre notre destinée lorsque l'heure sera venue de vivre normalement, le gouvernement laurentien de la Province de Québec devra :
  • Proclamer la souveraineté nationale, constitutionnelle et politique de l'État du Québec en vue d'obtenir la reconnaissance internationale de la RÉPUBLIQUE DE LAURENTIE.
  • Abolir les allégeances, dominations et asservissements étrangers dans les affaires intérieures et extérieures de l'État national de Laurentie.
  • Procéder, par des moyens légaux et parlementaires, à l'établissement progressif de la République de Laurentie qui répond aux espoirs historiques, aux droits inaliénables et aux ambitions légitimes de notre peuple.
  • Opérer une réorganisation complète des structures du Sénat, des Ministères et du Parlement provincial, dans le but de promouvoir une administration gouvernementale au service du bien commun de tous les citoyens.
  • Protéger les citoyens et le territoire actuel de la Province de Québec par l'établissement d'une armée défensive.
  • Respecter intégralement et reconnaître, en principe comme en fait, les droits des minorités dans l'État libre de Laurentie.
  • Exiger la neutralité de la République de Laurentie en cas de guerre.
  • Développer efficacement et, au besoin, nationaliser[1] les ressources naturelles du pays.
  • Réaliser un gouvernement laurentien d'inspiration chrétienne, qui perpétuera les saines traditions et permettra l'épanouissement complet du peuple canadien-français, selon la formule : « Un gouvernement de la Patrie, par la Nation, pour le Peuple. »
ALLIANCE LAURENTIENNE

mardi 20 novembre 2012

Patriotisme et socialisme

Voici la mise à jour d'un article que j'ai rédigé il y a quelques années sur la nécessité de combiner le socialisme avec l'amour de la patrie et qui déplore le fait qu'une bonne partie de la gauche québécoise soit vautrée dans un antinationalisme primaire.

PATRIOTISME ET SOCIALISME

Est-ce que le socialisme peut être compatible avec le patriotisme? Si l’on se fie à une certaine partie de ce qu’on appelle généralement la «gauche», ce sont deux termes antagoniques et toute idée de faire une synthèse des deux est rejetée du revers de la main. La fierté patriotique est un sujet bien souvent tabou parmi les gens de gauche qui dans certains cas n’hésitent pas à lancer de manière indiscriminée les épithètes de racistes, xénophobes, voire fascistes à la tête de ceux qui s’en réclament. Selon une organisation anarchiste bien connue au Québec et dissoute en 2014, l’UCL (Union Communiste Libertaire), le nationalisme ou patriotisme divise la classe ouvrière et tend à créer des sentiments de solidarité entre bourgeois et ouvriers au sein d’une même nation (1). Les travailleurs n’ont pas de patrie est leur mot d’ordre le plus courant! Comme si au départ les travailleurs ne naissaient pas au sein d’une nation déterminée! La classe ouvrière est bien sûr internationale, dans le sens qu’elle existe dans tous les pays, mais chaque ouvrier et chaque ouvrière vient au monde dans un pays avec une langue et une culture particulières.

Bien souvent les anarchistes et d’autres courants de la «gauche» nous servent la rengaine de la nécessité d’un monde sans frontières ou tous les travailleurs et travailleuses vivraient dans la fraternité, l’amour sans limites et ou tous les conflits nationaux et ethniques disparaitraient comme par magie! Bien sûr les conflits entre nations et pays ne sont pas un élément positif dans la vie politique internationale et génèrent souvent des tragédies et des désastres sans nombres. Ceci dit la disparition des frontières n’est en aucune manière une panacée pour éviter ce genre de conflits meurtriers et dévastateurs. Elle pourrait même au contraire favoriser les guerres interethniques, car il n’y aurait plus de barrières pouvant empêcher ou du moins freiner dans ses ardeurs une armée d’envahir un territoire voisin. Nous pouvons très bien être de fiers patriotes tout en soutenant les peuples et les travailleurs en lutte partout dans le monde. Un patriotisme rationalisé et pensé n’empêche nullement la solidarité internationale et internationaliste.

Il ne faut pas oublier non plus que le capitalisme, comme le disait si bien le syndicaliste Michel Chartrand, est un système apatride (2). Les capitalistes font la promotion de la mondialisation ultralibérale brutale et impitoyable, qui piétine les différentes cultures et identités nationales ainsi que les droits et les acquis sociaux durement gagnés de la classe ouvrière. Ils font tout pour niveler par le bas nos conditions de vie et de travail par le biais d’une uniformisation destructrice. Contrairement à certains mythes propagés par des militants soi-disant «internationalistes», les patrons ne sont pas particulièrement attachés aux sentiments patriotiques et à la défense de la patrie, même si parfois ils se servent de ça dans le but de se donner une façade de respectabilité face aux travailleurs de leur nation. Ils le font bien souvent dans le but d’arracher des sacrifices aux  producteurs de la richesse, en leur affirmant de manière tout à fait mensongère et démagogique que «l’intérêt national» exige des concessions dans le but de «sauver» l’économie du pays face à ses concurrents.

Dans le cas du Québec, les capitalistes nationaux si on peut les appeler ainsi, ne se sont jamais illustrés dans leur soutien à la lutte pour l’indépendance nationale ni dans le combat pour la défense de la langue et de la culture françaises. Lors des deux référendums, en 1980 en 1995, les principaux organismes patronaux, dont le Conseil du Patronat du Québec, ont appelé à voter Non. Les patrons qui étaient reconnus pour leurs convictions nationalistes, comme Claude Béland du Mouvement Desjardins et feu Pierre Péladeau de Québécor, sont demeurés plutôt silencieux lors de la campagne référendaire de 1995. Le mouvement indépendantiste québécois était et est toujours bien plus soutenu par les syndicats, les groupes populaires, les groupes féministes et ce sont eux qui sont à l’avant-plan des mobilisations pour l’indépendance et la défense de la langue française et ce depuis les années 1960. Il y a eu différents mouvements socialistes dans l’histoire qui ont appuyé la lutte de libération nationale du peuple québécois, dont le Parti Communiste du Canada Français dirigé par le syndicaliste Henri Gagnon, le Rassemblement pour l’Indépendance Nationale (RIN), le Front de Libération Populaire (FLP), le Mouvement Socialiste, le Parti Marxiste-Léniniste du Québec et Québec Solidaire, même si le discours socialiste et indépendantiste de cette formation peut sembler tiède à plusieurs. La Coalition contre le projet de loi 103, devenu ensuite la loi 115, sur les écoles passerelles pour contourner la loi 101 et permettre ainsi à des enfants francophones et allophones de s’inscrire à l’école anglaise, compte dans ses rangs de nombreux syndicats, comme la CSN (Confédération des syndicats nationaux) et la CSQ (Centrale des syndicats du Québec) et aucun organisme patronal (3). C’est donc clair que les capitalistes québécois, dans leur très grande majorité, ne cherchent nullement à mousser le sentiment patriotique québécois et sont au contraire très complaisants face à l’anglicisation rampante, alors que le mouvement ouvrier et populaire exprime de profondes préoccupations à cet égard. L’affirmation trop facile que tout sentiment patriotique et nationaliste est nécessairement bourgeois est donc réfutée par ces exemples tirés de la vie politique québécoise.

Si nous prenons le temps d’analyser les expériences socialistes du XXème siècle, nous pouvons facilement constater qu’elles n’ont nullement été dépourvues de tout patriotisme. Le grand dirigeant soviétique Joseph Staline a décidé de se concentrer sur la construction du socialisme dans un seul pays, en l'occurrence l'URSS, suite à l'échec des révolutions en Europe dans les années 20. Il a su faire appel aux sentiments patriotiques russes lors de la 2ème guerre mondiale contre l'agression nazie. Staline a été l'inspirateur et le concepteur du socialisme patriotique et a combattu sans compromis le cosmopolitisme. La Révolution Cubaine en 1959 a chassé les exploiteurs impérialistes yankees du sol cubain et a permis au peuple de ce pays de retrouver la dignité et la fierté nationales tant bafouées depuis des décennies. Fidel Castro n’a pas hésité à prononcer son fameux «La patrie ou la mort. Nous vaincrons!» lors d’un discours à La Havane en 1960. Il ne faut pas oublier que la Révolution cubaine a été initiée par un mouvement national-révolutionnaire de gauche, le M-26, comme en retrouve tant en Amérique Latine. La Révolution chinoise en 1949 a été le résultat et le couronnement d’une lutte de libération nationale contre l’impérialisme  japonais et aussi contre l’interventionnisme yankee dès la fin de la Deuxième guerre mondiale. D’ailleurs Mao-Tsé-Toung, qui était le chef du Parti Communiste chinois à l’époque, a déjà dit : «Le communiste, qui est internationaliste, peut-il être en même temps patriote? Nous pensons que non seulement il le peut, mais qu’il le doit. Ce sont les conditions historiques qui déterminent le contenu concret du patriotisme... Car seul le combat pour la défense de la patrie permet de vaincre les agresseurs et de libérer la nation» (4).

Les extraits cités démontrent clairement que Mao, contrairement à certains gens de gauche québécois qui se réclament de lui, ne dédaignait le patriotisme et le considérait comme un élément essentiel de sa pensée politique. Comme le disait si bien le dirigeant communiste albanais Enver Hoxha: «Aux moments difficiles que connaissait alors la patrie, face aux dangers qui menaçaient son existence, nous, communistes, nous devions, certes, nous appuyer solidement sur les riches traditions patriotiques et combattantes de notre peuple, sur sa ferme volonté de s’unir dans la lutte pour la liberté» (5). Certains peuvent nous répondre en affirmant au fond que le Québec n’est pas une nation occupée militairement et qu’ils soutiennent seulement les peuples qui font face à des agressions militaires. Même si le Québec ne subit pas une occupation militaire directe de la part de l’impérialisme anglo-canadien, il est toujours dominé par ce dernier et son droit à l’autodétermination nationale n’est nullement reconnu dans les faits.

La révolution yougoslave dirigée par le maréchal Tito en 1945 est un excellent modèle de lutte de libération nationale réussie. Josip Broz Tito a su défendre l'indépendance de son pays face à des adversaires redoutables. Il a adapté le socialisme aux conditions de son pays et a joué un rôle de premier plan dans le mouvement des pays non-alignés qui refusait de se mettre au service d'une superpuissance ou l'autre. En 1967, la Yougoslavie de Tito n'a pas hésité à rompre ses relations avec Israël en solidarité avec les peuples arabes (6).

A partir du mois d'avril 2014 jusqu'au 1er octobre 2018, le Québec est à nouveau sous la férule d'un gouvernement libéral et résolument fédéraliste, foncièrement hostile à toute volonté de libération nationale et qui a mis en oeuvre un programme draconien d'austérité et de compressions budgétaires dans les programmes sociaux. Le bref retour au pouvoir du Parti Québécois entre septembre 2012 et avril 2014 a été fort décevant. Après avoir annulé la hausse drastique des frais de scolarité décrétée par le gouvernement de Jean Charest en 2012 et qui a déclenché le célèbre "Printemps érable", le PQ a procédé à des coupures budgétaires, notamment à l'aide sociale, et il s'était engagé à augmenter les tarifs de garderies de 2$ en deux ans. La désillusion envers le PQ combinée au fiasco de la  Charte des valeurs québécoises a mené à la déroute électorale du 7 avril 2014 et au retour au pouvoir du PLQ. L'ex-PDG de Québécor, Pierre-Karl Péladeau a voulu se présenter en sauveur du Parti Québécois, mais à peine un an après son élection à la chefferie du parti il démissionna. Tout ceci montre l'impasse du souverainisme bourgeois du PQ et la nécessité d'une alternative indépendantiste et socialiste.
Depuis le 1er octobre 2018 nous sommes sous la gouverne de la Coalition Avenir Québec, un parti autonomiste dans la lignée de Maurice Duplessis, qui réclame plus de pouvoirs pour le Québec sans pour autant aspirer à l'indépendance de notre nation. Son programme économique est typiquement néolibéral et son chef François Legault est l'ancien PDG d'Air Transat. Le 28 mars 2019 la CAQ a déposé un projet de loi sur la laïcité, le projet de loi 21, qui interdit le port de signes religieux pour les employés de la fonction publique en situation d'autorité, incluant les enseignants et enseignantes. C'est un pas en avant pour la défense de l'identité québécoise et le gouvernement canadien a très clairement démontré son hostilité, tout comme le maire de la municipalité d'Hampstead, William Steinberg, un juif anglophone très antiquébécois. Ce dernier a même parlé de "nettoyage ethnique", comme si les Israéliens n'étaient pas en train d'en commettre un en Palestine (7)!  Sans surprise la plus grande partie de la gauche québécoise, Québec Solidaire en tête, est contre ce projet de loi et préfère défendre les minorités religieuses plutôt que la classe ouvrière.

Au Québec le patriotisme ne peut avoir de sens que s’il est fusionné avec le socialisme et le renversement du capitalisme. Sinon nous ne ferons que reproduire le système canadien sur une plus petite échelle et nous serons toujours aux prises avec les mêmes injustices sociales et économiques causées par le système capitaliste exploiteur, apatride et de plus en plus brutal.

Pour la libération nationale et sociale du Québec!

Richard Chartrand

(1) L’ABC de l’UCL, Brochure de l’Union Communiste Libertaire, p.6

(2) Michel Chartrand est en général très apprécié par les anarchistes à cause de son syndicalisme combatif. Par contre sa célèbre phrase sur le capitalisme apatride est toujours passée sous silence par eux, tout comme ils minimisent très souvent son activisme patriotique pour ne parler que du combat syndical et socialiste. Pour les anarchistes il ne peut y avoir de liens entre les deux.


(4) «Le rôle du parti communiste chinois dans la guerre nationale» dans Textes choisis de Mao Tsetoung, Éditions en Langues Étrangères, Pékin, 1972, pp.149-150

(5) Hoxha, Enver, Quand on jetait les fondements de l’Albanie nouvelle, Institut Marx, Engels, Lénine, Staline, Toronto, 1985, p.11






samedi 10 novembre 2012

La dérive oligarchique naturelle des régimes politiques

LA DERIVE OLIGARCHIQUE NATURELLE DES REGIMES POLITIQUES

Un excellent texte d'André Gandillon, rédacteur en chef du journal nationaliste français Militant (http://www.journal-militant.fr/).


Tout système politique est incarné par des hommes qui tissent des liens humains et sociaux et il est ainsi conduit à devenir un système oligarchique, à des degrés différents d'organisation.

Qu'est-ce que l'oligarchie ?
Qu'appelons-nous oligarchie ? Il s'agit de ce petit noyau de personnes qui se connaissent assez pour travailler ensemble sans relations formelles et qui partagent une même vision des choses et les mêmes objectifs. Sous cet aspect, les oligarchies existent toujours et tendent sans cesse à se constituer ou à se reconstituer.
Cette évolution est présente dès l'installation d'un système politique lorsqu'une nouvelle équipe d'hommes accède aux fonctions dirigeantes d'un Etat et d'une société. La raison en est que tous se connaissent à des degrés divers, unis par des liens plus ou moins forts, familiaux, amicaux, de camaraderie politique forgée à l'épreuve de l'action notamment, et nourris par intérêt commun à servir à la réussite de l'entreprise à laquelle ils sont attachés.
Ces liens tissent dès l'origine un réseau relationnel qui conduit à constituer un groupe de personnes qui travaillent ensemble, disposent de moyens d'information privilégiés et de facilités de travail auxquels ceux qui se trouvent en dehors ne peuvent accéder et ne peuvent participer.

La cristallisation oligarchique
Cette cristallisation relationnelle est plus largement le propre de toute société, qu'il s'agisse d'une nation, d'une association, d'une entreprise, dès lors que celles-ci regroupent un nombre important de personnes. Et ce processus commence dès que la société concernée rassemble quelques dizaines de personnes. Il s'intensifie fortement avec l'augmentation du nombre des sociétaires et s'affirme avec force lorsqu'il s'agit de plusieurs milliers de personnes.
Toute organisation – et l'Etat en une – constitue une société humaine qui est nécessairement délimitée, ne serait-ce que par le réseau plus ou moins complexe de connections se mettant en place et se structurant en fonction de l'objectif commun à atteindre. Aucun système, aucun dispositif ne pourra éviter un tel état de fait.
Au fil du temps, la structure oligarchique se complexifie : des réseaux, des cercles multiples imbriqués les uns dans les autres, en quasi-totalité informels, le plus souvent discrets se constituent et se multiplient. Ils sont mouvants, au gré des personnes et des intérêts, peuvent être durables ou éphémères.
Cette réalité fait qu'ils sont généralement difficiles à saisir et à identifier. Les régimes oligarchiques ne sont pas structurellement simples. En général, les instances dirigeantes d'un Etat ne dépassent pas quelques dizaines de personnes pour le premier cercle du pouvoir, quelques centaines pour le deuxième cercle, qui est l'antichambre du pouvoir, puis plusieurs milliers pour les multiples structures formelles ou informelles de troisième cercle, les relations entre ces différents cercles étant plus ou moins fluides selon les personnes et les époques, avec parfois cette possibilité de passer rapidement de l'arrière plan au premier plan.
Quel que soit le régime, il se constitue un lieu qui est le centre du pouvoir, c'est-à-dire l'organisme, ou le groupe des personnes qui influencent, voire dictent la ligne d'action du régime en place si le chef du pouvoir est affaibli. En France, en ce qui concerne l'Etat, le lieu majeur, le corps principal qui influe sur les gouvernements qui se succèdent, avec lesquels il a su tisser des relations au cours de la vie politique et administrative de l'Etat dès avant leur accès aux fonctions dirigeantes nominales, est le petit groupe des inspecteurs des finances occupant les centres de décision du ministère des finances.

Lieux oligarchiques
Plus largement, pour rester en France, le club assez informel, mais réel qu'est "Le Siècle" constitue le lieu, l'instance où se nouent les relations de l'oligarchie du régime républicain, qui se perpétue ainsi par cooptation, et qui relie, fédère les différentes sources de pouvoir existant dans une société, qu'il s'agisse du pouvoir politique, du pouvoir économique, des pouvoirs médiatique et intellectuel, cela sans omettre les liens extra que ces personnes nouent internationalement avec des cercles relationnels transnationaux, comme c'est le cas depuis des décennies.
Face à cette réalité du pouvoir, le Parlement pèse assez peu la plupart du temps, surtout lorsque les dirigeants de ces assemblées parlementaires sont eux-mêmes issus ou membres de ces centres de pouvoir effectifs.
Nous pourrions continuer avec les Etats-Unis où le pouvoir politique est fortement dépendant de quelques banquiers, des cercles comme le CFR ou les Kull and Bones … Dans l'URSS, le pouvoir dépendait principalement d'un petit noyau de responsables du Parti communiste, du GRU et du KGB.
Les formes que peuvent prendre ces oligarchies varient dans le temps. De nos jours, se développe surtout un système de réseau qui regroupe des personnes disposant d'un réseau relationnel qui leur permet d'accéder rapidement à des informations et de bénéficier de passe-droits, d'avantages qui créent un pouvoir de fait et le renforcent en intensifiant ces connexions. Le caractère de plus en plus technique des fonctions du pouvoir fait que les techniciens sont de plus en plus nombreux parmi les personnels gouvernementaux et disposent d'un pouvoir de décision accru, imposant des solutions techniques là où devrait s'exercer l'art du politique : cette technocratie, parfois confondue avec les responsables politiques, constituent de puissantes oligarchies. Et s'ils ne dirigent pas eux-mêmes, ils orientent les décisions des responsables nominaux.
Les oligarchies sont des lieux de privilèges qui facilitent les relations, l'efficacité des actions politiques et qui échappent à tout contrôle effectif autre que celui qu'elles-mêmes veulent bien accepter.

Les dangers de la sclérose
Quelle que soit la nature d'un régime politique, celui-ci tend naturellement à se consolider, à se rendre immune mais, par là même à s'ossifier puis à se scléroser. Les oligarchies participent largement à ce processus.
Le danger provient de ce qu'il contient les germes d'une dégradation qui peut mettre en péril l'existence de ce régime politique mais aussi, plus gravement encore, l'existence même de cette société. Il revêt plusieurs aspects concourants.
Le premier aspect résulte du repli sur soi et de la coupure qui finit par s'établir entre la masse des dirigés et les dirigeants et la déconnexion qui tend à exister entre la vision que ces cercles ont du réel et le réel lui-même, le pouvoir isolant très vite ceux qui le détiennent de la réalité de la société concernée.
La sclérose de la pensée de ces cercles oligarchiques en résulte et cet isolement a pour conséquence la conduite d'une politique inadaptée aux besoins de la société, dont le plus grand travers est la coupure entre les cercles dirigeants et la population, la dérive ultime résidant, second aspect du danger, dans l'accaparement et la confiscation du pouvoir de l'Etat – ou de l'organisme concerné – au profit exclusif des cercles dirigeants transformés en une caste dirigeante et desservant ainsi l'intérêt général de la dite société, ce qui pour une nation est le bien commun national.

Le cas de la démocratie
Le système démocratique présente théoriquement l'avantage d'éviter une telle ossification dans la mesure où les cercles dirigeants du pouvoir sont appelés à être renouvelés toujours assez rapidement, les mandats électifs étant régulièrement remis en cause et permettant le changement de personnel.
Mais outre que le procédé électif par mandatures périodiques s'effectue au détriment de la continuité de la politique à mener, il apparaît que le système démocratique, en tant que système cohérent, constitue un cadre organisationnel structuré et défendu et animé par des hommes qui, bien que divisés sur des idées, sur des conflits d'intérêts personnels, ou de groupes, se retrouvent tous unis dans une même adhésion aux fondements du système en place auquel ils participent. Une oligarchie régimiste, en dépit des divergences internes, se constitue, et sait toujours – ou quasiment toujours- s'entendre sur ce qu'il faut faire, ou ne pas faire, pour éviter la mise en péril du régime qui les rassemble et par suite leur propre situation.
Ils constituent donc, au delà de leurs divergences et de leurs querelles personnelles, une communauté d'intérêts. D'ailleurs, ces divergences, normales de par la nature humaine qui fait que les gens développent des avis, des analyses différentes sur les sujets à traiter, ne doivent pas faire illusion : pour importantes qu'elles puissent apparaître, elle ne prennent cette importance que par la théâtralisation dont elles sont l'objet, médias aidant. La mise en scène du débat politique partisan, institutionnalisé, mais que trop souvent les connivences et les ententes de fond qui les unissent, à savoir assurer la pérennité du système. Si un mouvement politique ne partage pas les principes fondateurs du système, il est inévitablement ostracisé et l'oligarchie régimiste sait généralement s'unir pour le réduire.
De par leur appartenance au régime qu'ils ont intérêt à maintenir, ces personnels politiques en arrivent à constituer un ordre oligarchique dont les liens se renforcent avec le temps à travers les sources et des canaux multiples par la technocratie, les écoles.
Des connections complexes, discrètes, se nouent à travers ces affluents, d'autant plus que la barrière entre exécutant et dirigeant est loin d'être nette.
En outre, la non distinction du magistère et du pouvoir politique en démocratie aggrave la confusion car tous relèvent peu ou prou du même magistère, soit qu'ils sont soumis sincèrement ou soumis par intérêt, les intentions intérieures ne comptant pas, les hommes étant la somme de leurs actes.
Le rôle de la cooptation, qu'elle soit tacite, par sélection mandarinale à travers les écoles ou par sélection explicite est ici primordial pour assurer la reproduction de ces oligarchies.
La communauté d'intérêt, de famille par les alliances matrimoniales qui ne manquent pas de naître contribuent à la constitution d'une oligarchie mais aussi à sa sclérose et à son blocage : l'oligarchie, ou les oligarchies ne se renouvellent plus par apport de sang neuf venant des différentes couches de la population.

Quels remèdes possibles ?
Si la dérive oligarchique sous-tend l'évolution de tout système politique, tout l'art du politique consistera, en la matière, à éviter que cette ossification tendancielle ne produise une sclérose qui nuise à l'ensemble de la société, de la nation. Bien évidemment, l'état de santé spirituel et moral du peuple et de ses élites est primordial.
Sous cette condition, l'art du politique consistera donc à mettre en place des mécanismes qui combattent la tendance à la sclérose oligarchique, par son non renouvellement, et les dangers mortels qu'elle contient, mécanismes qui doivent être de juste mesure (à développer) La fluidification du renouvellement des élites d'une nation est donc la condition première, en permettant l'accès des meilleurs éléments de chaque génération aux fonctions dirigeantes, quelle que soit leur origine sociale et le corps intermédiaire dont ils sont issus.
La structure sociale fondée sur les corps intermédiaires permet cette fragmentation de l'ossification oligarchique car elle offre de multiples souverainetés permettant à la fois de tempérer les échelons supérieurs et de permettre l'émergence de personnalités aux compétences multiples et en mesure de faire preuve de leurs capacités.
Mais il importe de placer en tant que principe fondateur le principe de la primauté du politique. Le pouvoir d'Etat ne peut être l'expression d'une oligarchie et de ses intérêts propres. Il doit être en mesure de la dominer. L'exercice n'est pas aisé car les cercles de pouvoirs s'interpénètrent inévitablement à des degrés certes différents, mais aussi et surtout s'influencent. Ce qui importe, c'est d'avoir un pouvoir d'essence monarchique qui les soumet, les contrôle, soit en mesure de les dissoudre le cas échéant, sachant que l'oligarchie – ou des oligarchies - tendent toujours à se constituer.
L'autre moyen permettant d'éviter l'ossification d'un régime et par suite son blocage est de permettre l'émergence de ce que l'on appelle le "pouvoir d'en bas". Le principe du référendum d'initiative populaire est un élément majeur de ce dispositif, pourvu qu'il soit utilisé dans des conditions précises que nous ne pouvons aborder ici, faut de place..
Il faut que ce référendum soit à la fois un moyen d'expression de la masse sans pour autant que celle-ci acquière un pouvoir qu'elle n'a pas la capacité d'exercer. Le référendum ne peut se pratiquer que dans de petites communautés.
En pratique, une équipe dirigeante efficace ne devrait pas avoir à être confrontée à cette extrémité car si elle est en communion permanente avec la population, elle gouverne en symbiose avec ses mandants, évitant les divergences notoires et durables.
Sur la longue durée, l'exercice consistant à éviter la dérive oligarchique d'un régime politique est chose difficile. Toutefois, une société démocratique, atomisée comme celle que nous connaissons; dans laquelle il n'existe plus qu'une masse indifférenciée d'individus face à des pouvoirs éloignés d'eux et soumise à l'abrutissement médiatique quotidien, n'est certainement pas la solution à ce travers tendanciel des sociétés humaines. Nous le vivons tous les jours.

André GANDILLON
http://www.journal-militant.fr/

mardi 16 octobre 2012

Lionel Groulx, un nationaliste canadien français

Un excellent article tiré de la revue nationaliste française Militant (http://www.journal-militant.fr/) sur le grand prêtre et historien québécois Lionel Groulx qui a joué un rôle particulièrement important dans le développement de la pensée nationaliste au Québec.

Lionel Groulx, un nationaliste canadien français


Oublié des jeunes générations, Lionel Groulx, prêtre, historien, théoricien politique, fut l'âme brûlante du Canada français et compte parmi les maîtres de la pensée nationaliste. Il importe de le découvrir.

Les débuts
Il naquit à Chenaux le 13 janvier 1878 dans une famille de paysans. Après sa formation au séminaire, il fut ordonné prêtre le 28 juin 1903 et enseigna les Lettres et la Rhétorique à partir de 1900 au Collège de Salaberry-de-Valleyfield où il fonde avec l'abbé Émile Chartier, dès les premières années du siècle, un mouvement de jeunesse. Groulx relatera cette "croisade d'adolescents" dans un ouvrage, son premier, paru en 1912. Entretemps, il était allé de 1906 à 1909 étudier à Rome où il obtint les titres de docteur en théologie et en philosophie. En 1915, il devient professeur à l’Université de Montréal où il fut titulaire de la première chaire d'histoire du Canada et bâtisseur des fondations du futur département d'histoire de l'université de Montréal dans les années 1930 et 1940. Dès les années 1910, il édite une revue mensuelle appelée l’Action française. À la Ligue d'Action française, Groulx rejoignait un groupe de nationalistes tels Esdras Minville et l'abbé Archambault qui avaient milité d'abord dans la Ligue des Droits du français en faveur du bilinguisme au Québec — ce qui signifiait la restauration du français, langue de la majorité, dans l'espace public. Ils travaillaient non seulement à rétablir le sens de la fierté comme antidote au mépris colonial, à la subordination et à l'assimilation, mais à l'essor d'un nationalisme économique. Le Père Archambault quant à lui développait la doctrine sociale de l'Église à L'École sociale populaire, dont les directives influencèrent l'Action libérale nationale dans les années 1930, parti réformiste et patriote qui fut absorbé par l'Union nationale.

Un théoricien du Québec libre
Nourri de la pensée de Maurice Barrès, Groulx a tracé un programme de développement national du Québec sur les plans économique, social, culturel et intellectuel. Selon lui, cela passait d'abord par l'éducation nationale et la réforme à Québec : l'instauration d'un véritable "État français", selon son expression, impliquait de ne plus négliger cet instrument de taille qu'était l'État provincial, à la disposition des Canadiens français pour se tirer du sous-développement. Son discours n'était jamais totalement fermé à l'optique de la réforme de la Confédération. Mais il faut dire qu'il tendait alors le plus souvent à entendre "Confédération" au sens strict, union d'Etats souverains, plutôt que fédéraliste. Il tenait à souligner l'accession du Canada à l'indépendance après le statut de Westminster. De plus, son sentiment nationaliste était modéré par le christianisme catholique et il vint à comprendre les bienfaits de l'universalisme chrétien.
Groulx développa aussi un programme d’études d’histoire du Québec dans lequel il réfutait la théorie de la Conquête providentielle ou bénévole par la Grande-Bretagne, courante à l’époque, et enseigna plutôt que la Conquête fut un désastre pour les Canadiens français. À la différence de la future École de Montréal, il croyait cependant ce malheur réversible, et croyait particulièrement que diverses étapes de l'histoire du Québec depuis lors pouvaient apparaître comme des étapes de reconquête de la liberté, quoique encore bien incomplète.

Un écrivain aux talents multiples
Une impressionnante production écrite sur des questions d'intérêt national, politique, social ou religieux, tant sous forme d'articles que de brochures et d'ouvrages (dont deux recueils importants, Orientations, paru en 1935, et Directives, deux ans plus tard), résultera de cet engagement dans l'action. De 1920 à 1928, Groulx sera directeur de l'Action française, organe de la Ligue du même nom, puis, à partir de 1933, collaborateur régulier de L'Action nationale qui succède à la première après un intermède de quatre ans. En guise de "divertissement", selon ses propres termes, Groulx écrivit deux romans, L'Appel de la race (1922) et Au Cap Blomidon (1932), qu'il publia sous le pseudonyme d'Alonié de Lestres. Le premier de ces romans suscita une vive polémique mettant aux prises l'auteur avec, entre autres, le critique bien connu Camille Roy. Quelques années auparavant, en 1916, il avait fait paraître un premier ouvrage de fiction, un recueil de contes paysans, Les rapaillages.

Les écrits majeurs
Lionel Groulx épousa la théorie selon laquelle le seul espoir de survie pour le Québec était d’encourager un Québec français et catholique comme rempart contre la puissance anglo-protestante. Pour lui, la réforme et le redressement de la condition canadienne-française passaient donc par des mesures du gouvernement de Québec. Les écrits majeurs de Lionel Groulx sont notamment La Confédération canadienne (1917), Notre maître le passé (1936), Notre grande aventure. L'Empire français en Amérique du Nord (1534-1760) (1958), Histoire du Canada français depuis la découverte (1951) et Le Canada français missionnaire (1962). Il est connu pour avoir dit « Notre État français, nous l'aurons .
Il fut l'un des pères du mouvement indépendantiste québécois qui accéda au pouvoir avec René Lévesque en 1976. Groulx fonda l’Institut d’histoire d’Amérique française (IHAF) en 1946, un institut situé à Montréal dévoué à l’étude historique de la présence française en Amérique du Nord, à l'histoire du Québec, et qui rassemble la majeure partie des historiens québécois. Il fonda la Revue d'histoire de l'Amérique française (RHAF) l'année suivante.
Ayant pris sa retraite en 1949, il poursuivit son œuvre d'écrivain et continua à le combat pour le Canada français et reçut de nombreux honneurs. A la fin de sa vie, voyant les signes de dégradation de la société canadienne, il publia un dernier ouvrage Chemins vers l'Avenir dans lequel il expose ses vues sur le monde contemporain et les remèdes à apporter. Il mourut le 23 mai 1967 à Vaudreuil et eut des obsèques d'Etat accompagnées d'un jour de deuil national.

Albert FOEHR

lundi 15 octobre 2012

Pour un socialisme national et libérateur

POUR UN SOCIALISME NATIONAL ET LIBÉRATEUR

 
La nation québécoise lutte courageusement pour sa libération de l’impérialisme anglo-canadien depuis plus de 250 ans. Le combat piétine présentement à cause de l’absence d’une alternative politique crédible. Ce ne sont pas le Parti Québécois et le Bloc Québécois, totalement convertis au libéralisme économique et politique ainsi qu’au libre-échange, qui peuvent mener à bien la tâche de faire du Québec une nation réellement indépendante. D’où la nécessité de créer cette alternative politique sans quoi notre lutte nationale poursuivra dans son impasse. Il ne s’agit pas de remplacer tout simplement le capital anglophone par un capital francophone, mais de nous libérer du capitalisme apatride en même temps que du Canada tout en évitant les erreurs du collectivisme marxiste.

Depuis quelques années au Québec, nous assistons à une certaine remontée du sentiment patriotique. La crise autour des fameux «accommodements raisonnables», qui a fait rage en 2007, a grandement favorisé cette résurgence du patriotisme dans la Belle Province. Il est vrai que ce débat a été alimenté par des intégristes religieux hostiles à la laïcité moderne et qui font tout pour contrecarrer l’intégration des minorités dans la société québécoise, une intégration basée sur des règles de vie commune. Le peuple québécois, qui veut préserver son identité culturelle et nationale, s’est senti assiégé par cette avanlanche de revendications obscurantistes, comme le refus des piscines mixtes par des femmes musulmanes ou l’obligation de givrer les fenêtres d’un gymnase pour ne pas offenser des juifs hassidiques, et la réaction populaire a été très vive, avec raison d’ailleurs.

Concernant le sujet de l’immigration, qui est très délicat et qui suscite bien des passions, nous devons éviter à la fois l’angélisation et la diabolisation. Les immigrés ne sont pas responsable des problèmes que nous rencontrons, ils en sont aussi les victimes. Eux aussi s’ils n’avaient dû s’expatrier pour survivre financièrement, auraient surement préféré rester dans leurs beaux pays, car oui pour chaque être humain son pays est toujours beau! Seule une minorité élitiste savoure ses victoires sur nos différentes nations mourantes.

Une réflexion critique s’impose sans tomber dans le simplisme et la pensée magique. On ne peut pas ouvrir les frontières nationales d’une manière illimitée et sans contrôle, sous prétexte de créer soi-disant un monde plus «fraternel». Ceci aurait pour effet de favoriser encore davantage la mondialisation capitaliste débridée aux dépens des peuples du monde qui se retrouvent exploités par les grands groupes industriels internationaux. Un contrôle des frontières s’avère nécessaire pour toute nation qui souhaite protéger sa population du capitalisme financier international et des diktats du Nouvel Ordre Mondial.
Une immigration massive et illimitée a comme effet de baisser les conditions de travail, de supprimer nos acquis sociaux, si durement gagné par nos ainés. Les grands patrons sont toujours à la recherche de main-d’œuvre à bon marché et non revendicative et les immigrants sont souvent une clientèle idéale pour eux car ils sont expatrier leur exploitation en deviens facile... Le capitalisme libéral est un système apatride et inhumain qui n’a aucun respect pour les différentes cultures dans sa volonté de créer un monde uniformisé, nivelé vers le bas et surtout privé de toute liberté! Rappelons que se sont toutes ces diversités culturelles, à travers notre monde, qui font sa grande richesse! Protégeons-les!

A titre d’exemple, la volonté du gouvernement libéral de Philippe Couillard de hausser le seuil d’immigration à 52000 personnes, voire 53000 en 2019, pour une nation qui compte un peu plus de 8 millions d’habitants est complètement irresponsable (1). Il ne s’agit pas de rejeter en bloc l’immigration et les immigrants ni surtout de les stigmatiser ou de les diaboliser, mais il est bien certain qu’on ne peut accueillir une immigration de masse sans engendrer une panoplie de problèmes sociaux (chômage, demandes d’accommodements déraisonnables, créations de ghettos ethniques, tensions sociales comme dans le quartier Montréal-Nord en août 2008,etc).

Le combat pour la défense de la langue et de la culture française est loin d’être terminé au Québec. Plus de 33 ans après l’adoption de la Loi 101 en 1977 qui faisait du français la langue officielle du Québec et qui obligeait notamment les immigrants à envoyer leurs enfants dans les écoles françaises plutôt que dans les écoles anglaises, le français connait plusieurs reculs, notamment dans la région de Montréal, la métropole québécoise. Le gouvernement du Québec, sous la férule du Parti Québécois (PQ) et du Parti Libéral du Québec (PLQ), a coupé dans les programmes de français pour les immigrants et est le grand responsable des reculs en matière de francisation, tout en augmentant constamment le seuil d’immigration. En plus du renforcement des cours de français aux immigrants, on doit aussi revendiquer le renforcement de la francisation des entreprises, notamment au niveau des PME (petites et moyennes entreprises) de moins de 50 employés, ce que le Parti Québécois, sans parler du Parti Libéral, n’a jamais tenté de faire, malgré ses beaux discours sur la nécessité de défendre la langue de Molière! Une autre menace qui pèse sur la langue française au Québec, est la l’infâme loi 115, adoptée en 2010 qui permet à des enfants francophones et allophones (dont la langue maternelle est ni le français, ni l’anglais) qui ont fréquenté une école anglaise privée non-subventionnée pendant trois ans, pour contourner la loi 101, de s’inscrire au réseau scolaire anglophone public (2). Un pas de plus vers l’assimilation lente du peuple québécois par le rouleau compresseur anglophone si rien n’est fait pour redresser la situation.

Une alternative politique s’impose donc pour le Québec et c’est celle d’une fusion entre le socialisme et le patriotisme, autrement dit un socialisme de type national qui serait adapté aux conditions et réalités du Québec en ce XXIème siècle. Pour y parvenir il faut nécessairement rompre avec le capitalisme libéral et mondialiste en même temps que l’on se libère de la domination anglo-canadienne. Ce qui ne signifie nullement que nous nous couperons du reste du monde, nous ne nous refermerons nullement sur nous même.

Le patriotisme n’est nullement antagonique au socialisme. Comme le disait si bien le dirigeant albanais Enver Hoxha : «Aux moments difficiles que connaissait alors la patrie, face aux dangers qui menaçaient son existence, nous, communistes, nous devions, certes, nous appuyer solidement sur les riches traditions patriotiques et combattantes de notre peuple, sur sa ferme volonté de s’unir dans la lutte pour la liberté» (3). Il s’agit ici de montrer le lien étroit qui a toujours uni le socialisme avec le sentiment patriotique. Un patriotisme social exige que l’État-nation prenne sous son aile les secteurs de l’économie considérés comme vitaux, par exemple les ressources naturelles, les banques, l’émission de la monnaie, les communications, etc. La prétention de la finance et du patronat à façonner les esprits dans un sens toujours plus favorable au projet du gouvernement mondial doit-être contre-carré par des mesures appropriées, notamment par une nationalisation immédiate des services publiques, tous les organismes qui doivent être au service du peuple et plus particulièrement des médias de masse en application d’un contrôle national de ceux-ci, l’ensemble en préservant la libre expression. Le regretté président vénézuélien Hugo Chavez qui a mis en oeuvre de telles politiques s’inscrivait dans la lignée du socialisme national. Il ne s’agit pas de nationaliser intégralement l’économie, mais d’empêcher les puissances financières d’acquérir trop de force et de s’ingérer indûment dans notre vie politique.

Le patriotisme n’est pas non plus opposé à la solidarité internationale avec les peuples opprimés et les travailleurs en lutte à travers le monde. Mais nous ne devons pas verser dans un internationalisme apatride à la sauce trotskyste qui implique un reniement flagrant de nos racines et de nos traditions sous peine d'être taxé de fascisme. Le fait d’être fier de ses origines et de son héritage culturel et national ne signifie nullement que l’on méprise les autres peuples, que l’on se replie sur soi ou que l’on prône un quelconque choc des civilisations à la manière des néoconservateurs américains. Sachant que la réussite d’une nation indépendante ne peut qu’influencer et aider les autres, nous savons pertinemment que l’avenir du monde va en ce sens. De plus, nous savons que les peuples de cette Terre ont des aspirations et des cultures spécifiques : l’humanité a pour devoir de les sauvegarder, car sans cette diversité elle n’est qu’un mot creux que ses vrais ennemis emploient contre elle.
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Le socialisme doit donc être enraciné au niveau national s’il veut réussir, sinon il est condamné à devenir le pion des forces mondialistes.
Pour un Québec libre, laïc, spirituel, socialiste et francophone! 

Richard Chartand


(1) http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201610/27/01-5034944-le-gouvernement-couillard-veut-accueillir-51-000-immigrants-en-2017.php
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1063609/quebec-plan-immigration-nouveaux-arrivants
En 2008 le gouvernement libéral de Jean Charest avait annoncé son intention de hausser le nombre d’immigrants au Québec de 45000 à 55000, alors qu’on a encore beaucoup de problèmes d’intégration à tous les niveaux (francisation des immigrant-es, chômage élevé au sein de certaines communautés immigrantes, «accommodements raisonnables» revendiqués par certains intégristes religieux, etc). Le prétexte est le déclin démographique du Québec alors que d’autres solutions existent comme une politique familiale et nataliste par exemple. Il faut dire que de parler de ces enjeux est souvent un tabou au Québec et les accusations de racisme et de xénophobie ne tardent pas à affluer de la part des biens-pensants de toute sorte.

(2) http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201010/19/01-4333811-la-loi-115-adoptee.php

(3) Hoxha, Enver, Quand on jettait les fondements de l’Albanie nouvelle, Institut Marx, Engels, Lénine, Staline, Toronto, 1985, p.11

 
 

La corruption au Québec: Quel est le rôle des bureaucrates syndicaux?

LA CORRUPTION AU QUÉBEC : QUEL EST LE RÔLE DES BUREAUCRATES SYNDICAUX?


Un sujet retient l’actualité au Québec ces dernières années et fait couler beaucoup d’encre, celui de la corruption qui semble être devenu vraiment endémique au point  de paralyser la vie politique de la Belle Province. Les histoires d’enveloppes brunes bourrées de fric et largement distribuées à des candidats lors d’élections, dans le but d’acheter leur appui pour l’obtention de lucratifs contrats, ont fait la une des manchettes à maintes reprises depuis au moins deux ans. Tout porte à croire, selon les médias bourgeois, que le monde politique québécois est gangrené par la corruption et le gouvernement libéral de Jean Charest, qui est constamment frappé par des histoires de scandales, est maintenant considéré comme un des plus corrompu de l’histoire du Québec. Les domaines du transport et de la construction sont largement touchés par le phénomène de la corruption à cause des entreprises privées avides de profits par l’obtention de contrats payants. Ces entreprises cherchent par tous les moyens possibles à contourner les règlements pour mettre la main sur des contrats au détriment de leurs concurrentes et pour leur permettre de dépasser les coûts, phénomène courant pour les grands projets de construction, sans encourir de problèmes. Les politiques de privatisation des différents gouvernements québécois depuis de nombreuses années, notamment dans les travaux d’infrastructures, ont favorisé le renforcement de l’emprise des intérêts privés dans l’attribution des contrats pour la construction. Dans un système capitaliste, le pouvoir public et le pouvoir privé sont intimement liés pour la défense des intérêts du capital et la corruption est une partie intégrante des moeurs de la bourgeoisie qui veut augmenter ses taux de profits à n’importe quel prix. Il est donc tout à fait illusoire et erroné de compter sur un gouvernement contrôlé par l’oligarchie pour combattre la corruption dans laquelle il est impliqué jusqu’au cou. Il est important aussi de mentionner que le Québec est loin d’avoir l’exclusivité en matière de corruption, contrairement à ce que certains médias anglophones et antiquébécois du Canada ont tenté d’affirmer suite à l’éclatement des scandales de corruption.


La corruption au Québec implique donc la classe politique et le patronat, mais aussi un autre acteur représenté par la bureaucratie syndicale, qui démontre une fois de plus son rôle de pilier du système capitaliste libéral. La FTQ-Construction, qui a toujours cherché a exercer un monopole sur la représentation syndicale des travailleurs de la construction,  joue un rôle central dans le système de la corruption qui prévaut dans ce secteur d’activité. Les syndicats exercent un contrôle sur le placement des employés dans le domaine de la construction, ce qui a l’avantage de conférer une certaine sécurité d’emploi à des travailleurs vivant dans la précarité et l’incertitude, étant donné qu’ils ne peuvent travailler à l’année longue, notamment pour des raisons climatiques. Par contre ce mécanisme a parfois l’effet pervers de donner à des bureaucrates syndicaux le droit de décider qui peut ou non travailler sur les chantiers de construction, menant tout droit à un système de clientélisme digne de l’époque féodale. Par exemple, les travailleurs embauchés grâce à la FTQ-Construction lui doivent une certaine fidélité dans la lutte qui l’oppose aux autres syndicats comme la CSN-Construction et la CSD-Construction pour conserver le monopole de la représentation syndicale, à l’image des vassaux face à leur seigneur. Ceci dit, nous n’appuyons nullement la volonté du gouvernement libéral de Jean Charest d’éliminer le placement syndical dans le domaine de la construction, qui représente malgré tout un acquis pour la classe ouvrière face à l’arbitraire patronal.

La lutte intersyndicale a souvent connu des épisodes violents avec les fiers-à-bras de la FTQ-Construction qui expulsaient des chantiers par la force les travailleurs appartenant aux syndicats concurrents. En 1975, la Commission Cliche qui enquêtait à l’époque sur les violations de la liberté syndicale sur les chantiers de construction, a identifié le directeur de la FTQ-Construction, André Desjardins, comme étant lié au crime organisé et responsable d’une longue série d’actes de violence et d’intimidation contre les autres syndicats. Suite à ces accusations il a démissionné de ses fonctions pour mieux se consacrer à ses activités criminelles (1)! On peut donc voir que l’histoire de la FTQ-Construction n’est pas très glorieuse pour une organisation qui prétend défendre les droits des travailleurs! Encore aujourd’hui des dirigeants de ce syndicat entretiennent des relations étroites avec l’homme d’affaires corrompu Tony Accurso, qui est reconnu pour ses liens avec le crime organisé (2). Il est donc aisé de constater que la bureaucratie qui contrôle les syndicats n’a aucun problème à frayer avec des capitalistes en dépit de tous les beaux discours sur «la solidarité ouvrière»! Les actes de violence et d’intimidation à l’encontre de travailleurs supposés être des camarades dans le combat pour de meilleures conditions de vie et de travail ne semblent pas représenter un problème pour les bonzes de la FTQ-Construction. L’ancien président de la FTQ, Henri Massé, était reconnu pour son amour des voyages de pêche luxueux avec des patrons dont les employés sont syndiqués à la FTQ(3)! Des voyages qui coûtent entre 5000 et 8000$ pour cinq jours! Ce n’est certainement pas à la portée des travailleurs ordinaires qui doivent bien souvent se serrer la ceinture pour avoir une vie décente!

Ces exemples de copinage entre chefs syndicaux et grands patrons pourraient être multipliés à l’infini mettant ainsi à nu la collaboration étroite existant entre eux au delà de la rhétorique sur la lutte des classes. Les intérêts de la bureaucratie qui trône à la tête des syndicats ne sont manifestement pas les mêmes que ceux des travailleurs et des travailleuses qui doivent défendre avec acharnement leurs conditions de vie et de travail en ces temps de crise économique. La collusion avec le milieu du crime organisé de la part de certains responsables de la FTQ-Construction est une autre preuve que la corruption est malheureusement présente au sein des appareils syndicaux au même titre que dans la classe dirigeante capitaliste. Les bureaucrates syndicaux en tant que rouage du système économique capitaliste et mondialiste sont un obstacle majeur à l’avènement d’un système socialiste patriotique et corporatiste fondé sur une saine collaboration des classes et sur un respect mutuel des droits et devoirs des patrons et des ouvriers. La participation des travailleurs à la gestion des entreprises et au partage des profits est une excellente manière de maintenir l’ordre social en mettant fin à la stérile et nuisible lutte des classes qui ne permet en rien d’améliorer le sort de la classe ouvrière.

Richard Chartrand




Petit lexique pour les lecteurs non-québécois :

FTQ= Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec
CSN= Confédération des syndicats nationaux
CSD= Confédération des syndicats démocratiques